Le rêve contient en lui tous les paradoxes. Grâce à lui nous atteignons à toutes les libertés, mais lorsqu’il se mue en cauchemar nous ne pouvons plus lui échapper. Bienfaiteur lorsqu’il nous permet de vivre l’interdit, il peut aussi retourner contre nous nos plus profondes angoisses. Et comme l’a écrit Valéry, « Le rêve est le phénomène que nous n’observons que pendant son absence », puisque par définition le rêveur est inconscient. Et c’est peut-être précisément pour conjurer cette volatilité que la littérature s’est emparée des songes. Qu’elle en fasse un objet de divination ou de méditation, une étape du récit ou un objet poétique à part entière, les rêves littéraires tissent leurs correspondances avec ceux des lecteurs.
S’inscrivant dans cet héritage, c’est à une réécriture parodique de la tradition des onirocritiques, ces « Clés des songes » dont le modèle est celle d’Artémidore d’Ephèse, que se livre Rabelais au Chapitre XIII du Tiers Livre. C’est en se fondant sur ses rêves que Panurge cherche à établir s’il devra se marier ou non. Freud lui-même voyait dans les rêves prémonitoires que dans la mesure où « le rêve est un désir accompli », il pouvait « annoncer » l’avenir, en tout cas un avenir conforme à nos désirs, et non pas à la vérité...
Dossier initialement publié dans le numéro 21des Mots du Cercle, août-septembre-octobre 2004.