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Sylvie Germain

La Nuit en poésie

À l'occasion de la parution de «La Nuit en poésie» en librairie le 7 mars 2024 (Folio Junior Poésie), découvrez notre entretien avec Sylvie Germain, à l'origine de cette nouvelle anthologie thématique.



Pourquoi avoir accepté d'imaginer un recueil sur ce thème de la nuit ?

La proposition qui m'a été adressée par Jean-Philippe Arrou-Vignod et Adélaïde Klein m'a intéressée car je suis sensible au thème de la nuit, si ample et ambivalent, et avoir à chercher, à lire et à sélectionner des poèmes est moins un travail qu'un plaisir.

L’anthologie regroupe plusieurs aspects de la nuit : nuit passion, nuit rêveuse, nuit blanche, nuit solitude, etc. Quelle est votre nuit?

Elles le sont toutes, ou du moins l'ont toutes été, alternativement ou simultanément. A présent, c'est peut-être la Nuit rêveuse et solitude qui l'emporte. J'aime beaucoup le poème de Thomas Hardy, Tous deux nous attendons, si juste et pertinent dans sa simplicité. En peu de mots, il dit, avec délicatesse et un brin d'humour teinté de mélancolie, tant sur notre condition.
... Attendre, laisser passer le Temps, /Jusqu'à ce que mon état vienne à changer...

Votre écriture est très poétique, mais vous n’avez jamais publié de poèmes. Quels rapports entretenez-vous avec la poésie ?

Un rapport amoureux. Les émerveillements que l'on peut parfois ressentir à la lecture d'un poème - parfois même à celle d'un seul vers -, sont toujours surprenants, ils laissent des traces profondes dans la mémoire, lancent des échos, discrets mais prégnants dans la pensée. La poésie donne en effet à s'étonner, à penser, à rêver, à imaginer; à aimer. A aimer la vie dans son surgissement. Une belle "définition" de la poésie est donnée par Boris Pasternak dans son recueil Ma sœur la vie :

C’est un bruit de glaçons écrasés, c’est un cri,
Sa strideur qui s’accroît et qui monte,
C’est la feuille où frémit le frisson de la nuit,
Ce sont deux rossignols qui s’affrontent....

À côté de Rainer Maria Rilke, Louise Labé ou Victor Hugo, apparaissent le poète angolais Arlindo Barbeitos, le Tchèque Bohuslav Reynek ou encore la poétesse irakienne Nazil Al-Malaï’ka. Comment avez-vous sélectionné les auteurs de cette anthologie ?

Y en a-t-il auxquels vous tenez particulièrement ? Le choix a été très difficile, car j'étais limitée par le nombre de poèmes à retenir (c'est une anthologie réduite) et également il m'a fallu écarter des poèmes que j'aurais voulu faire figurer dans cette anthologie mais qui, pour des raisons de droits, posaient trop de problèmes. Il y a donc eu des sacrifiés.

Ce recueil est destiné à la jeunesse. Cela a-t-il influencé vos choix ?

Moins influencé que restreint ; j'ai dû renoncer à certains poèmes estimés trop abscons pour de jeunes lecteurs, ainsi Mallarmé, Saint-John-Perse, Mahmoud Darwich, Nelly Sachs..., au profit de poèmes plus accessibles.

L’anthologie se conclut par le poème de Paul Éluard « Et un sourire » qui n’appartient à aucune « Nuit ». Pourquoi ?

C'est un poème qui ouvre la nuit comme une fenêtre. Une fenêtre sur la vie, sur le large de l'amitié et de l'amour, sur l'inattendu, sur l'énergie du temps qui va son chemin.
La nuit n'est jamais complète, dit le premier vers. Comme cette anthologie ! Ce poème propose une relance: celle du désir de continuer à lire de la poésie, encore et encore... Ce que je souhaite aux jeunes lecteurs et lectrices de cette anthologie.

Si vous ne deviez garder qu’un seul poème, quel serait-il et pourquoi ?

Choix impossible ! Il y a trop de poèmes qui me sont "uniques", irremplaçables. Comment choisir entre Hugo, Verlaine, Apollinaire, Rilke... chacun a son ton, sa musique, son rythme, incomparables.

Propos recueillis par Julie Maillard